BIO

Bio

 Kiran KATARA est née à Bruxelles en 1972 où elle vit et travaille. Elle est d’origine indienne et entretient des liens familiaux et professionnels à Mumbai.

Architecte, elle reprend des études de dessin et peinture. Son travail se construit autour de problématiques liées aux équilibres abstraits, au dessin de l’écriture et son dernier travail traite la question de la transparence. Sa pratique accorde une grande importance au support et à l’économie de moyens avec un amour profond de la couleur noire. Le dessin est pour elle un outil de pensée.

 Kiran KATARA est chargée de cours (Dessin et Projet d’architecture) à la Faculté d’architecture La Cambre Horta de l’ULB. Elle a été co-fondatrice de l’asbl ODRADEK Résidence donnant place à de nombreux artistes belges et étrangers autour de questions liant écriture et dessin.

Je suis une chercheuse.

Je n’écris pas, je dessine, je peins.

Je regarde, écoute, touche.

Je traduis.

Je suis d’ici, d’un pays gris ciel, je me sens imprégnée du calme des étendues du Nord et d’une lumière rare et changeante. Mon identité est attachée à ce territoire belge dont je me sens proche viscéralement, artistiquement. Je suis née de père indien, je suis aussi de ce pays-là. Cette Inde, mystérieuse, magique, vivante je l’ai également en moi. J’ai une Inde intérieure.

Ce contraste, je ne cesse de le questionner pour qu’il ne soit pas une fracture mais un écart ou une union fertile. Ce jeu des opposés est récurrent dans mon travail. Au départ j’ai cherché des équilibres fragiles et intuitifs ; un jeu mathématique de fusains posés que je soufflais sur une surface de toile enduite à la façon des anciens pour créer une musique de noirs veloutés, de gris soufflés et blanc gommés. Poser, étendre, enlever ; poser, étendre, enlever…

Puis j’ai décliné des champs de traces juxtaposées se pliant et se déployant ; des signes en tension, des fractionnements qui cherchaient inlassablement à coïncider, à lutter contre toute forme de classement, à se réorganiser à l’infini, à s’envoler. Penser avec rigueur toujours, mais chercher au-delà du réel, de nouveaux langages.

Limiter les frontières ; choisir les « à la fois ». Je dessine et je peins, je me sens proche des poètes qui font et défont sans cesse…Comme eux j’ai besoin de peu, habituée à créer avec rien, j’en joue. Du fusain, un seul tube d’encre depuis des années et réapparaissant dans le travail, de vieux papiers glanés avec soin ; une feuille, trois pinces et une échelle comme si tout était à notre portée, à tous. User de cette puissance du presque rien tant comme sujet que comme outil, célébrer la main, l’œil, l’humain.

Ensuite il y a eu cette mutation, de l’envol à la transparence, autre intangibilité du dit « réel ». Envie d’affirmer ce qui sous-tend ma démarche, ce qu’il reste de moi en changeant de thème. Ce n’est pas que « transparence », mais reflets et irisations selon la lumière … et des troubles aussi de flous « optiques » selon l’épaisseur du verre ou la densité de plomb qui en fait du cristal.  Dans la série « oxymores » j’œuvre, à très grande échelle avec un petit pinceau, à accorder du temps à des « instances muettes[1] » de petites choses à priori sans importance : des verres, des vases, des flacons… Les contenants choisis dans le quotidien, saisis sur le vif sont capturés dans l’urgence de peindre. Il s’agit ici d’abord d’honorer la force-fragilité de ce matériau qui est transformation d’éléments désagrégés en une matière unifiée et qui a accompagné l’histoire occidentale. C’est la lumière qui le révèle. J’en dévoile la transparence en peignant avec une matière opaque opérant le plus souvent sans eau tentant de rendre vivace partant de contraires. Ces vases agrandis, ces matrices, appelèrent l’eau dans le dessin, l’eau appela la vie qui fait racine, le sujet m’a débordé. C’est en cherchant à faire coïncider à hauteur d’œil la ligne d’eau à la ligne d’horizon que le paysage est apparu ; il s’est invité, il est entré. Suspendu en réalité et imaginaire il nous emporte dans un univers onirique, une atmosphère silencieuse. On doit imaginer le recul de « lire » chaque trace d’encre, penser perspective si besoin de sortir des à-plats et agir sur la volumétrie des transparences. Ce qui n’est pas une contradiction.  La magie du verre, matériau aussi de transfert de la réalité, lié d’ailleurs à des secrets d’alchimistes anciens et qui est filtre révélateur du non-visible. L’eau (fertile), limpide ou trouble joue des reflets qui inversent le monde.  Ils questionnent notre rapport au réel et à l’illusoire ; la vision est kaléidoscopique, fractale. L’agrandissement n’offre pas de vision plus claire, il s’agit plutôt de s’éloigner pour apercevoir, nous devenons acteurs minuscules et comme Alice au pays des merveilles, nous sommes confrontés au paradoxe qui nous retient.

[1] Francis Ponge, Le parti pris des choses

KIRAN KATARA : BIOGRAPHY

Kiran Katara, born in Brussels in 1972 to an Indian father and a Belgian mother, is architect and artist. She teaches architecture and drawing at the Faculty of Architecture ‘La Cambre – Horta’ of the ULB.

In 1995 she completed her studies in architecture at ISA St Luc in Brussels and made her first experiences in Ahmedabad with Anant Raje, collaborator of Louis Kahn in India. This is where her desire to go on an artistic journey was born. While starting her practice as an architect, Kiran also resumed drawing studies. She studied at the Dutch-speaking Academy of Anderlecht and began her own drawing research in 1997 in the studio of Guy Leclercq, for whom she has great esteem. From him, she learned the ancient techniques of painting and they both share the love of the matte black colour.

Without denying the influence of her architectural background, she started creating works of drawing-painting, constructed around the horizontal line with a musical inspiration. First
in charcoal, then in printing ink, oil and Chinese ink. She attaches great importance to the preparation and choice of the supporting material. She likes to work with little and to exalt this almost nothing, transform it. At the time she revolted against all digitalization, seeking to establish arrangements inspired by intuitive mathematical balances. Without pre- composition, she posed, blew or gummed charcoal on a linen canvas meticulously dressed with white.

Every drawing she has made since is a slow continuation of this work. The geometric line has softened. The canvas more filled in. Only a few blanks remain, becoming focal points derived from the support; a few voids left apparent. The line has gradually become a collection of dots, a form of linear writing running from left to right. With the help of her traces, Kiran likes to think, a game of thoughts. She is currently preparing a thesis on ‘poetry without words’. In 2015 she starts categorizing her drawings in families. Then, from this organic whole, she works on variations.

The dots become fields; space enters the sheet. Kiran introduces dynamic elements in her highly rhythmic series. The dots seem to bend under a breath and then straighten up like a metaphor for her life.

Gradually, the drawings move from predominantly black
to predominantly white. The white of the paper rises to the surface. Kiran finds old paper and, in her minimal approach, chooses to transform it. She takes advantage of the flaws and pitting in the paper to get rid of a certain composition.

Later on, the point of attachment moved to become the centre. The points migrate, they move. Then the central
point disappears and only its energy remains. Kiran’s
drawings become diagrams. Large territories, without scale, without orientation, almost without reference to the known. Annotations appear, but are illegible. They seem to illuminate the traces and become their shadow on the sheet, in the literal sense. Rules? Yes, but full of exceptions.

The traces become thicker, and a drawing can now be discerned… Kiran Katara pretends to classify them, annotate them. But is it a classification, when the signs seem to escape, to fly away? A great “murmuration” is being prepared.

Kiran Katara has been exhibiting regularly in Flanders and Brussels since 1997.

In 2003, she was awarded the First Prize for Painting by the Flemish Community of Saint-Gilles (Brussels).

She has curated numerous exhibitions, notably for ODRADEK. Together with Simone Schuiten, she founded the non-profit organization ODRADEK Résidence in 2022. The ASBL is looking for artists committed to exploring writing as a form of drawing, spatial poetry or abstract graphics.