Exposition « Les encres de KIRAN KATARA »
Exposition du 11 septembre au 27 septembre 2015
Galerie ODRADEK 35, rue Américaine, 1060 Bruxelles
Les encres de Kiran Katara, un trait posé, déposé…
Kiran Katara nous confie chez ODRADEK des séries de compositions ou symphonies de traits réalisées à l’encre de Chine. Il s’agit de recherches tentant à revenir au geste fondamental de l’art du trait, qui l’engage dans une pratique expérimentale relevant tant de l’écriture, de la poésie que du dessin. Ce travail plastique cherche à développer une pensée du blanc et du vide qui favorise le surgissement du trait.
La juxtaposition des traces, en trouvant une nouvelle dimension spatiale, devient alors texture. En gardant le geste de l’écriture, c’est-à-dire en procédant le plus souvent de gauche à droite et de haut en bas, Kiran Katara peut juxtaposer ses traits mais aussi les faire explorer d’autres points de fuite. L’écriture se métamorphose alors pour donner place au dessin, qui lui-même devient agencement d’empreintes. La transformation qui se réalise silencieusement fait émerger une poétique du dessin. Elle déroule des états émotifs qui révèlent une certaine connivence avec la calligraphie chinoise.
Ce qu’elle appelle ses « poéysages » annoncent l’association signe-réalité que l’écriture alphabétique a abandonnée depuis longtemps. Écrire, c’est tracer ce qui nous arrive ici/ maintenant et qui advient ou surgit de la manière la plus authentique et spontanée possible.
Kiran Katara s’interroge sur les fondements premiers du dessin et a pour gageure de quitter certains aprioris. De cette façon la décomposition des schémas habituels est tentée, tout comme une remise en question de présupposés de lecture et de déchiffrage d’un texte. Questionner les origines du dessin revient à le considérer comme outil actionnant la pensée.
Pour l’éminent sinologue français Léon Vandermeersch, Kiran Katara produit des graphèmes, c’est-à-dire des traits composés de telle manière que l’écriture semble encore à l’œuvre sans pour autant nous donner l’occasion de déchiffrer des significations exactes.
En multipliant et en accumulant des traits/jambages, en accentuant leur mouvement ordinaire Kiran Katara produit des signes auxquels elle donne vie. De cette manière elle œuvre à partir d’un geste déposé et part à la recherche de la texture du signe.
Kiran Katara nous confie chez ODRADEK des séries de compositions ou symphonies de traits réalisées à l’encre de Chine. Il s’agit de recherches tentant à revenir au geste fondamental de l’art du trait, qui l’engage dans une pratique expérimentale relevant tant de l’écriture, de la poésie que du dessin. Ce travail plastique cherche à développer une pensée du blanc et du vide qui favorise le surgissement du trait.
La juxtaposition des traces, en trouvant une nouvelle dimension spatiale, devient alors texture. En gardant le geste de l’écriture, c’est-à-dire en procédant le plus souvent de gauche à droite et de haut en bas, Kiran Katara peut juxtaposer ses traits mais aussi les faire explorer d’autres points de fuite. L’écriture se métamorphose alors pour donner place au dessin, qui lui-même devient agencement d’empreintes. La transformation qui se réalise silencieusement fait émerger une poétique du dessin. Elle déroule des états émotifs qui révèlent une certaine connivence avec la calligraphie chinoise.
Ce qu’elle appelle ses « poéysages » annoncent l’association signe-réalité que l’écriture alphabétique a abandonnée depuis longtemps. Écrire, c’est tracer ce qui nous arrive ici/ maintenant et qui advient ou surgit de la manière la plus authentique et spontanée possible.
Kiran Katara s’interroge sur les fondements premiers du dessin et a pour gageure de quitter certains aprioris. De cette façon la décomposition des schémas habituels est tentée, tout comme une remise en question de présupposés de lecture et de déchiffrage d’un texte. Questionner les origines du dessin revient à le considérer comme outil actionnant la pensée.
Pour l’éminent sinologue français Léon Vandermeersch, Kiran Katara produit des graphèmes, c’est-à-dire des traits composés de telle manière que l’écriture semble encore à l’œuvre sans pour autant nous donner l’occasion de déchiffrer des significations exactes.
En multipliant et en accumulant des traits/jambages, en accentuant leur mouvement ordinaire Kiran Katara produit des signes auxquels elle donne vie. De cette manière elle œuvre à partir d’un geste déposé et part à la recherche de la texture du signe.
Les graphèmes de Kiran Katara prouvent, comme lui a laissé entendre Léon Vandermeersch, que l’écrit a encore quelque chose à révéler en dehors de l’oralité et de la lisibilité ordinaire.
Simone Schuiten
Professeur de philosophie à l’ESA, École Supérieure des Arts, Bruxelles
Directrice ODRADEK
Présentation (voor NL zie hieronder, English below)
Le travail plastique que je vous présente a débuté en 1997 alors que je terminais mes études d’architecture. Le thème en était alors la ligne horizontale, prétexte à diverses réflexions: équilibres intuitifs, matières, économie de moyens, délicatesse. Travaillant dans un premier temps au fusain, je peignais ensuite à l’encre sur toile, et sur de plus grands formats. Les noirs mats et les textures veloutées me fascinaient… Ces peintures ont été montrées lors de plusieurs expositions en Flandre et à Bruxelles et ont été honorées du premier prix du concours WINTERKLEUREN (Saint-Gilles) en 2003.
La série de dessins présentée chez ODRADEK est de nature plus intime. Son inspiration oscille entre Orient et Occident — reflet de ma double origine (indienne et belge). Il s’agit d’un questionnement qui a pour point de départ l’écriture, le geste même de l’écriture. Son souffle et ses silences. Si je m’intéresse au signe, à la manière dont il prend vie, j’interroge aussi le texte en tant que texture, dans toute sa profondeur. Celui-ci est prétexte à création, désir poétique « sans mots ». Il me donne à penser et à dire.
Vide.
Peu.
Trace.
Espace.
Rythme.
Suspension.
Concentration.
Transformation…
Mon inspiration n’est pas la Chine, bien que je sois à l’écoute de ce qui s’y pense. La connivence de mon travail avec ce qui se fait en cet ailleurs, à la fois tellement étranger et si semblable, m’intrigue. Ma rencontre avec le sinologue parisien Léon VANDERMEERSCH m’a apporté quelques éclairages à ce sujet. Il me fait l’honneur de bien vouloir partager sa vision de cette corrélation en préface à cette exposition. Selon le regard qu’il porte, ma quête dans cette étude en cours serait une façon de distinguer oralité et écriture, en montrant que ce sont là deux pratiques bien différentes, même si elles se rejoignent…
Presentatie
De werken die ik u presenteer gaan terug naar 1997, het jaar waarin ik mijn architectuurstudies beëindigde. Het thema doorheen mijn werk was een horizontale lijn, het voorwendsel voor verschillende invalshoek
en: natuurlijk evenwicht, materialiteit eenvoudigheid en subtiliteit. Aanvankelijk werkte ik met houtskool, daarna schilderde ik met inkt op doek en op grote formaten. De matzwarte en fluweelachtige texturen fascineerden me… . Deze schilderijen werden tentoongesteld in Vlaanderen en Brussel en werden in 2003 bekroond met de eerste prijs voor de wedstrijd ‘WINTERKLEUREN’ (Sint-Gillis).
De bij ODRADEK tentoongestelde werken hebben een intiemer karakter, geïnspireerd door het Oosten en het Westen. Een weerspiegeling van mijn dubbele nationaliteit (Indisch en Belgisch). De werken vertellen het verhaal van mijn relatie met letters en het schrijven ervan. Ik ben gefascineerd door het letterteken op zich, de oorsprong en de manier waarop het tot stand komt. Ik ben geïnteresseerd in de textuur en de gelaagdheid van een tekst. Dit is mijn inspiratie. Het zet me aan tot denken en creativiteit.
Leegte.
Weinig.
Spoor.
Ruimte.
Ritme.
Ophanging.
Onderbreking.
Transformatie …
China is niet mijn inspiratie. De associatie is vreemd en tevens verwant. Dat intrigeert me. De ontmoeting met de Parijse sinoloog Léon Vandermeersch heeft me tot inzicht gebracht. Het is dan ook een hele eer dat hij zijn visie over deze dubbelzinnigheid heeft toegelicht naar aanleiding van de tentoonstelling. Volgens hem krijgen tekens door mijn werk een andere dimensie waardoor ze een andere betekenis krijgen.
Les encres de KIRAN KATARA
Kiran Katara crée des encres sur papier en déployant des arrangements de traits empruntés à ceux des lettres d’alphabet ou graphèmes, dont elle reconvertit la valeur sémantique en valeur esthétique. L’artiste se rappelle d’avoir imaginé ces créations déjà toute enfant, lorsqu’en voyant son grand-père en train d’écrire, elle s’émerveillait des formes qu’il faisait surgir sur le papier. Les lettres qu’elle ne savait pas lire la fascinaient d’autant plus que le mystère de leur signifiance lui échappait. Le grand-père était indien, il écrivait en devânagarî, écriture qui n’est pas sans écho dans les formes tracées par sa petite-fille aujourd’hui.
Ces créations sont parallèles à celles qui, dans la culture par excellence de la calligraphie, la culture chinoise, marquent les plus récentes avancées de cet art, les graphimages. Ce nom, en chinois shuxiang, est donné par Wu Shanhuan, Gu Wenda, Xu Bing et Wu Hua à des libres réassemblages de traits d’écriture dans des compositions analogues aux encres de Kiran Katara[1].
Ces artistes se réclament d’une révolution de la calligraphie chinoise qu’ils inscrivent dans le sillage de la révolution du non figuratif et de l’abstrait chez les artistes occidentaux. Cependant, même s’il est indéniable qu’au XXe siècle l’avant-garde de l’art chinois a profondément subi l’influence de cette avant-garde occidentale, conquérante de l’abstraction non figurative, ce ne saurait l’être en suivant les mêmes voies, et cela parce qu’en Chine c’est l’abstraction, et non le figuratif, qui est à l’origine aussi bien de la calligraphie que de la peinture à l’encre qui en est la fille, l’une et l’autre ayant germé dans une idéographie déconcrétisant systématiquement la réalité en symboles graphiques. En vérité, le cheminement chinois vers les graphimages a procédé à l’inverse du cheminement qui, en Occident, était allé du figuratif à l’abstraction.
Dès son origine la calligraphie chinoise procède de la revivification du trait de pinceau de l’écriture idéographique. Le pinceau du calligraphe, surtout dans le style cursif de « l’écriture d’herbe » (caoshu), remotive poétiquement les traits du caractère qui avaient dû être démotivés linguistiquement. Ainsi le calligraphe procède-t-il, dans l’ordre graphique, comme procède le chanteur dans l’ordre vocal : les modulations du trait calligraphié sont analogues aux vocalises chantées sur la syllabe.
Pour revenir aux graphimages alphabétiques de Kiran Katara, considérons d’abord que l’alphabétisme n’est nullement impropre à la calligraphie. Celle-ci, cependant, n’a pas les mêmes modes de résonance que l’idéographie, pénétrée d’une âme de signifiance rendant la calligraphie chinoise unique en son genre. Ce n’est pas le cas de la calligraphie alphabétique, ce qui n’empêche pas celle-ci de se laisser pénétrer du dehors par le plus profond lyrisme de la parole, comme dans les admirables calligraphies arabes du Coran. Cependant, ce n’est pas par transposition de vocalises en tracés de graphèmes que procèdent les créations de Kiran Katara. Celle-ci me semble plutôt porter la marque de la formation d’architecte de leur auteure : y règne un ordre analogue aux ordres de l’architecture -dorique, ionique, corinthien, ou toscan-, qui commandent tel ou tel dispositif en élévation. N’est-ce pas de cette façon que Kiran Katara dispose en élévation des jambages ou des points d’écriture, qu’elle fait danser plutôt que chanter, dans de multiples chorégraphies de bien bel ordonnancement ?
Léon Vandermeersch
[1] La nouvelle langue du Dragon, Editions Alternatives, Paris 2003
The Inks of KIRAN KATARA
Kiran Katara, a Belgian artist of Indian origin, is born in Brussels in 1972. As a child, she likes to observe her grandfather writing and, since at that time she cannot yet decipher the characters, she becomes fascinated with the mystery and the magical power of writing.
In 1995, she nishes studying architecture and goes to India for a course with the architect Anand Raje in Ahmedabad. There, fascination with Sanskrit makes her rediscover the power of writing and gives her the desire to start an artistic curriculum.
Between 1997 and 2004, she studies drawing and painting at the Akademie voor Beeldende Kunsten in Anderlecht. At the same time, she starts working on horizontal lines and gradually explores artistic expressions closely related to writing.
In Odradek, Kiran Katara presents a series of compositions or‘stroke-symphonies’in Chinese ink. This research attempts to return to the fundamental gesture of the art of the stroke, resulting in an experimental practice touching upon the domains of writing, poetry as well as drawing. This plastic work seeks to develop the concept of white and empty space that favors the emergence of the line or stroke.
The juxtaposition of the traces in a new spatial dimension becomes texture. While maintaining the gesture of writing, that is by proceeding mostly from left to right and from top to bottom, Kiran Katara can juxtapose the strokes, but also explore other vanishing points. Writing is then transformed into drawing, which in its turn becomes lay out of imprints. The transformation that takes place silently gives birth to a poetry of drawing. She unfolds emotional states which are in connivance with Chinese calligraphy.
What she calls her «poéysages» is announcing the sign-reality association which our alphabetic writing has abandoned long ago. To write is to trace what happens to us here and now, what happens or arises in the most authentic and spontaneous possible way.
Kiran Katara questions the primary fundamentals of drawing and takes up the challenge to abandon some preconceptions. In this way the decomposition of habitual patterns is attempted, as is the questioning of presuppositions about reading and deciphering of a text. To question the origins of drawing amounts to consider it as an operating tool of thought.
According to the eminent French sinologist Léon Vandermeersch, Kiran Katara produces graphemes, which means that strokes are combined in such a way that they still resemble writing, but without providing the opportunity to decipher precise meanings.
By multiplying and accumulating strokes/jambs and by accentuating their natural movement, Kiran Katara produces signs to which she gives life. She starts operating from a gesture laid down on paper and proceeds in search of the texture of the sign.
The graphemes of Kiran Katara prove, as has suggested Léon Vandermeersch, that writing can still reveal realities outside of the ordinary orality and readability.